Page:Potvin - Le membre, 1916.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
LE « MEMBRE »

peu près six arpents, c’est-ti qu’ça va ben, vot nouveau méquier ?

— Pas mal, répondit Mansot. Voilà huit mois que mes électeurs m’ont élu membre de la Chambre et j’ai tâché de remplir toutes mes promesses. Mais, qu’est-ce que l’on dit de bon de moi dans le pays ?

— Mon Guieu ! Monsieur Donat, couci-couça, du bon et pi du mauvais. C’est « malaisé » allez, d’faire taire les « bavasseux » quand y s’mettent à mal jaser du monde.

Donat ne répondit pas et il y eut un temps de silence. Le soleil d’une belle journée du mois de juillet « plombait » sur le « chaumage » des champs et faisait craquer les branches sèches des arbres. De chaque côté du chemin, c’étaient des champs dont l’ensemble ressemblait à un grand jeu de dames où les carreaux jaunes de grains alternaient avec des carrés verdâtres d’avoine du printemps et de labour neuf.

— Et le père, demanda le membre, comment va-t-il ?

— Téjours pareil, y arrête pas. Ah ! c’est pas qu’un p’tit homme que c’t’homme-là. Vous savez, faudra pas lui faire des « magnières » à cause qu’i vous a gardé en « gribouille ». Y était si en « guiabe » quand y vous a vu s’lancer dans les gazettes. J’ai cru qu’y vous pardonnerait jamais ça.

La voiture avait quitté le grand chemin et « virait » dans une route de traverse pleine de gravois. Le cheval allait p’tit pas.

— Ah ! ça, s’écria tout-à-coup Jean, ça ne va donc pas dans votre nouveau méquier ? Vous paraissez ben « marabout » ?