Page:Potvin - Peter McLeod, 1937.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
Peter McLeod

premier mot. Il venait de le pratiquer par hasard. Ça lui avait réussi. Il ne savait si cela s’appelait un “swing” ou un “upper cut”, mais cela avait suffit pour mettre le boss "knocked out". Il en était lui-même tout éberlué. Et voilà pourquoi, parmi les spectateurs, on n’arrivait toujours pas à comprendre comment Peter Mcleod avait été vaincu avec une si apparente facilité.

« Il faut quand même s’occuper de notre ami », dit, enfin, Fred Dufour après avoir ingurgité un autre whisky, et rompant pour la deuxième fois le silence de la grande salle froide et nue du “Main Office”.

C’était un “log house” où se trouvaient à la fois le magasin, un embryon de bar et la salle à manger des hommes qui travaillaient à la scierie mécanique de la première “concern” du Saguenay. On était à Chicoutimi, vers 1840, et on assistait aux premiers vagissements d’une ville industrielle du nord. Quel accouchement !…

Peter McLeod fut porté par quatre hommes sur un banc de madriers, et quand il y fut étendu, on s’en fut boire au comptoir où servait un petit vieux à mine chafouine qui répondait au nom de Tobie Corneau. Il était moustachu de paille jaune, la face couperosée et vineuse, avec un nez pareil à un chanfrein et des oreilles en cornet, pleines de poils. Réjoui, il servait, servait, à ne plus savoir quand il allait s’arrêter. Un vent de bataille avait, un instant, passé au-dessus de ces têtes hirsutes. Des poings s’étaient tendus dont l’un fut magnifiquement victorieux. Et maintenant, on buvait. On buvait béatement, avec une sorte de