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Peter McLeod

bliée pourtant pendant des années, négligée du moins, dans le coin obscur du subconscient…

On se préparait donc avec un entrain juvénile à la grande fête. La veille, deux « claireurs », occupés à layer une futaie dans la forêt, avaient tué une jeune orignal qui vagabondait à la lisière d’un hallier de sapins, aux Terres-Rompues. Ils l’avaient traîné jusqu’au bourg où ils avaient été reçus avec des cris de joie par les habitants. Et ce beau coup de fusil avait été d’autant plus apprécié que cet hiver-là, l’orignal était rare dans cette partie de la vallée du Saguenay. Cet animal, à la forme élégante et à la robe d’un beau brun tirant sur le gris aux flancs, tombait dans le village la veille de Noël… Quel succulent réveillon allait faire oublier les salaisons du magasin ! Le corps du jeune roi de la forêt, amené au grand « campe », avait aussitôt été dépecé par le “cookie” et ses aides qui en avaient été porter les principaux morceaux aux maisons des employés : un beau cadeau !

Puis, après leur travail de la journée, les hommes étaient allé chercher de larges brassées de branches de sapin dans la forêt. Ils en avaient orné la chapelle dont les murs et le plafond furent vite couverts de rameaux qui odoraient, remplissaient la gorge d’une saveur âcre. Au fond de la chapelle, l’autel avait été orné d’une épaisse nappe de branchettes pressées, tassées comme une toile de lin tendue sur le cylindre d’un métier à tisser. Au milieu de l’autel formant étagère, s’élevait jusqu’au plafond une grande croix formée de longues ramilles de bouleau, fines comme des pailles de blé et artistement tressées, chef d’œuvre de vanne-