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Puyjalon

feu et aux crocs acérés ; des perdrix craintives des bois francs et des gelinottes ardoisées des sapins… et des visons, et des martres, et des pékans ; des carcajous, des mouffettes ; et tout le peuple immense de toutes les bonnes bêtes des bois qui descend en bataillons serrés, remplissant toutes les clairières, garnissant en lourdes grappes les branches dénudées des boqueteaux.

…Quel est donc ce merveilleux pays aux eaux et aux terres si riches ? Mais, malheur, tout s’éloigne petit à petit, s’efface, s’estompe comme dans une brume légère et floue ; puis tout disparaît. Il ne reste plus, au-dessus de l’Île-aux-Perroquets, qu’un groupe de goélands voraces, de mouettes blanches, et d’autres oiseaux au bec dur et tranchant, zébrant un ciel de laine grise, criaillant et rauquant… Peu à peu, ils se rapprochent, se fondent comme en un seul oiseau : un grand goéland gris qui tournoie comme une trombe, ailes battantes et bec menaçant. Il fonce

Et le gardien de l’Île-aux-Perroquets se réveille en un formidable sursaut.

C’était le rêve du zoologue… Une marche à contre-courant : une course en marche-arrière dans le passé du Labrador Canadien !

La nuit était tout à fait venue. Au-dessus du gardien, les jets puissants de la lumière du phare fulguraient, s’éparpillant en un vaste cercle au-dessus des eaux grises du fleuve. Les embruns avaient couvert de gouttelettes son mackinaw de cuir… Henry de Puyjalon pénétra, transis, dans la petite salle de veille du phare. Bientôt, enfoncé dans un fauteuil rustique, le gardien du phare s’absorbait dans la lecture de l’épo-