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Pierre, il ne lambine pas, ah ! non… Et puis, en arrivant à la maison, le déjeuner à préparer au père et à Jules, que nous avons engagé pour l’automne, le ménage à faire, les poules à soigner, des confitures à faire cuire, des citrouilles à peler… ah ! c’est qu’il en coûte aux bras et aux jambes d’être maîtresse de maison ; la pauvre mère n’est pas mieux, mais pas mieux du tout ; et ce qu’elle souffre, maman, de me voir travailler ainsi, seule, sans pouvoir m’aider… mais je la gronde très fort, de se tourmenter ainsi. D’ailleurs j’aime cela, je les aime, moi, ces durs travaux du dehors ; ça nous chasse les mauvaises idées, ça nous rend fortes, vigoureuses… on a toujours le temps de se reposer ; et puis, tu sais, quand on est fille de vieux colon, quand on est… colonne, le travail est notre lot… Mais comme tu es pâle ! et tes yeux, encerclés de bleu, fiévreux ? Tiens, je parie que tu n’as pas dormi de la nuit… Pauvre ami, oh ! je devine, va : tes idées de départ t’ont repris ; tu veux encore nous quitter ; mais rien ne peut donc te retenir, mon Paul !…

Dans ses minutes d’émotion, elle disait comme cela : mon Paul ; et lui, disait : ma petite Jeanne. Car ils s’aimaient depuis longtemps et sincèrement, mon Paul et ma petite Jeanne ; ils s’aimaient de toute la tendresse de leur âme ; ce n’était pas un caprice ; c’était un a-