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unes, tardives, jettent encore un sourire dans les parterres dévastés ; dans les potagers, la mort a passé et les plantes inclinent vers le sol les virgules de leur feuillage ambré. Des feuilles tombent lentement comme des larmes. Mais certains géants résistent encore dans la forêt et semblent frissonner avant de jeter leur monnaie d’or ; pareils à ces mortels qui ne veulent pas se résigner à l’automne de la vie et prétendent garder au moins les apparences d’une éternelle jeunesse…

Ah ! Paul, si, de ton taudis de New-York, il t’était donné d’entrevoir un coin de tes campagnes de la Baie des Ha ! Ha ! de contempler, par exemple, quelques-unes de ces frondaisons à côté des feuillages morts, tu serais bien tenté de le dire, à ce spectacle renouvelé des inégalités de ce monde, que, dans ce moment, tu as si souvent sous les yeux : « Pourquoi cette injustice de l’opulence à côté de la misère de l’autre ? » Mais là-bas, tu ne sentiras pas le souffle glacial qui arrivera bientôt de la montagne et nous rappellera, à nous, que, pour les arbres comme pour les hommes, la mort donne la grande égalité finale.

L’hiver de l’homme est bien triste à côté de celui de la nature. Chez l’homme, c’est la fin de tout ; mais dans la nature, on sait que sous les feuilles mortes reverdiront de nouveaux bourgeons ; qu’avant de succomber le