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se, au milieu de ses humbles travaux, quand il tourne la glèbe avec cette sorte de lenteur active, et fait s’entr’ouvrir le sol qui sent frais et bon… Les deux grands bœufs roux, au bout du sillon, reviennent sur leurs pas. Vigoureux, ils marchent en tirant ferme dans le joug ; leur tête, résignée, s’incline. L’écume de leur mufle exhale une fumée qui s’évapore aux feux tièdes du jour ; leurs bons grands yeux contemplent le sol. À les voir de loin, on dirait que leur corps ondule de façon charmante, en leurs mouvements réguliers et il semble que leur belle robe brune, marquée de taches blanches, s’harmonise aux tons du ciel et de la terre… Et le vieux fermier, tout en peinant, ne sent plus naître en lui cette secrète allégresse d’autrefois, quand son fils travaillait à ses côtés.

Paul est parti depuis sept mois déjà. Les premières nouvelles n’ont pas été bonnes, non ; et celles qui ont suivi n’ont guère valu mieux. Tous les jours, à présent, on attendait une lettre qui signalerait un changement, qui annoncerait même son retour ; car on espérait toujours, à la ferme, le retour de l’enfant prodigue. On lui avait même déjà offert de l’argent pour lui permettre de revenir ; mais, nous l’avons vu, Paul était trop fier pour accepter ; il espérait sans cesse en des jours meilleurs, qui ne tarderaient pas.