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Je termine en t’embrassant, et ton père et Jeanne aussi qui te prient en même temps de nous écrire au plus vite.

Ta mère qui t’adore,
Marguerite Pelletier.

P.-S. — Ne te fais pas de troubles pour Jeanne, c’est un gros rhume seulement qu’elle a.

À la campagne, on n’apprend guère à exprimer les sentiments du cœur. Les femmes et les jeunes filles, élevées aux champs, sentent très vivement quelquefois ; plus que les autres même chez qui, souvent, une sorte de sensibilité et de sentimentalisme factice, puisés dans les romans, ont remplacé les sentiments naturels du cœur ; mais chez les paysannes, les mots manquent pour rendre leurs émotions et leurs pensées : le vocabulaire raffiné de la passion est fermé pour elles ; et, elles ne savent traduire ce qu’elles éprouvent qu’à l’aide de phrases simples et naïves, mais tranquilles…

Elle attendait Paul à son retour de l’ouvrage, cette lettre de sa mère. Quand il en eut fini la lecture, il faisait sombre dans la chambre ; il alluma sa lampe et la relut, puis, une troisième fois, toujours de plus en plus ému : et il sentit, à la fin, son cœur se briser ; des sanglots soulevèrent sa poitrine et toute sa révolte, toute son émotion, tout son ennui se fondirent dans les larmes…