soi. Quand ce n’est pas le père qui n’aime plus à se trouver au milieu de sa famille, c’est le fils qui a hâte d’arriver à ses dix-huit ou vingt ans pour s’échapper de la maison paternelle. Il ne se croit heureux et libre que lorsqu’il l’a quitté…
Il est dans la journée certain moment propre surtout à entretenir la vie de famille : c’est le soir. Il semble fait exprès pour les joies intimes du foyer, avec son repos, sa liberté de cœur et sa prière en commun sous l’œil du Père de la grande famille chrétienne.
Autrefois, Paul Pelletier accordait bien peu d’attention à tous ces détails de la ferme, détails coutumiers et sans beaucoup d’importance pour lui. Mais à présent qu’il est décidé de partir, bientôt, dans une couple de mois, tout prend un intérêt capital chez lui. Et pendant les heures du soir, malgré ses airs distraits et absents, malgré l’attraction du dehors qui le tourmente, une image nouvelle de chacune de ces choses banales se superpose en lui aux images anciennes ; une image plus solide que toutes les précédentes et qui, dans l’avenir, devait être plus chère et plus regrettée… C’est ainsi que se gravent les traits de son père et de sa mère, qu’il aimait bien tous deux. Ah ! dans son cœur primesautier, inégal, oublieux parfois, ils auraient une place sûre et profonde à présent. Il les aimait avec