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Il est bien triste, toujours de plus en plus triste, et lui seul, à cet instant, peut se rendre compte de l’immense amertume qui remplit son âme. Tant qu’il n’est pas parvenu à cette heure du départ définitif, il n’a pas songé qu’il fut si triste de partir… Alors, les regrets se font sentir en lui, amers et cuisants… alors les souvenirs du passé arrivent en foule : ces chers souvenirs d’une vie paisible, fleurs toujours trop tôt flétries, est-il possible de les remuer sans qu’il s’en exhale un parfum ?… Aujourd’hui, dans sa mémoire, tout prend les proportions d’un événement ; tous les mille petits riens qui composent la trame des jours et des semaines de sa vie semblent importants… Arrivent aussi, mais plus clair-semés, les souvenirs marquants de sa courte existence.

Un instant, il hésite dans sa résolution : il a peur… S’il allait voir briser son esquif sur les écueils de cette mer qu’il se prépare à affronter.

Devant l’inconnu fascinateur, la perspective est généralement belle aux têtes légères et avides de plaisirs ; moins riante aux esprits réfléchis, elle suggère la défiance et la circonspection ; tremblants alors, ceux-là voudraient se rattacher au port, et c’est parce qu’ils y sont obligés fatalement qu’ils quittent les rivages.

Paul n’était pas de ces derniers ; et il ne ré-