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de le tenir là… le reste n’existait plus et tout s’effaçait complètement devant cette joie de le savoir là, de se sentir aimée de lui… alors, voici qu’elle se sentait soudainement la plus forte, la plus vaillante, la plus calme et la plus décidée. Elle n’avait plus rien à désirer au monde, quand elle le tenait embrassé, près, tout près d’elle… et elle l’avait laissé partir dans un dernier baiser.

L’adieu à Jeanne fut à la fois tendre et pénible…

Quand il la vit, le matin, la voiture était déjà prête. Un léger cercle de bistre entourait les grands yeux de la jeune fille et laissait deviner ces larmes nocturnes qui coulent, silencieuses et ignorées, des yeux de ceux qui aiment et qui souffrent. À la vue de Paul, un sourire triste et bon passa sur ses lèvres, ce sourire charmant et navrant à la fois, qui dit les tristes déceptions de ceux qui ont été plein de foi… ; puis, ce sourire se changea en une larme. Paul, qui courbait le front, comme un coupable, ne vit point cette larme qui roulait dans l’œil de Jeanne, qui glissa sur sa joue pâlie et qui tomba, enfin, silencieuse, sur sa main…

Elle eut la force de sourire encore, puis de parler et de lui donner même une petite leçon, qu’elle savait, d’ailleurs, bien inutile : sa tendresse lui dicta, à cet instant, des paroles