Croyez-moi (je vous parle en homme d’honneur)
si je vous épousais, je vous ferais souffrir.
Quelque fort que serait mon amour, l’habitude le
tuerait… Alors vos larmes couleraient ; elles
couleraient, elles tomberaient sur mon cœur en
l’irritant au lieu de le toucher. Voilà les roses de
votre hyménée : voilà votre sort pendant de
longs jours peut-être.
» Y a-t-il au monde une destinée plus triste
que celle de la femme nuit et jour délaissée au
foyer domestique ? Son indigne époux l’apprécie
au fond de son cœur, mais, impuissant à maîtriser
ses colères et ses jalousies, il maudit son
sort ! Hélas ! je suis cet époux ! Est-ce là le rêve
où se complaisait votre âme ardente et pure
lorsque vous m’écriviez votre lettre ?… Serait-il
possible que le Ciel vous réservât un avenir
pareil ?…
» Comme les jeunes années, les jeunes illusions n’ont point de retour ; je ne puis rendre à mon âme une vie nouvelle. Je ressens pour vous une affection de frère, peut-être même pourrais-je lui donner un nom plus tendre encore…