Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/192

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aussi calme, aussi sourd, toujours buvant et mangeant pour deux.


Les jeunes filles embrassent Tatiana, et commencent par l’examiner en silence des pieds à la tête. Elles la trouvent à vrai dire un peu étrange, un peu maniérée, un peu pâle et un peu maigre, mais en somme assez jolie. Bientôt, entraînées par l’habitude, elles l’emmènent familièrement, elles l’embrassent, lui serrent tendrement les mains, arrangent ses cheveux à la dernière mode, et lui confient leurs amours, ce secret de toutes les jeunes filles.


Elles lui font part de leurs conquêtes et de celles de leurs amies, de leurs espérances, de leurs folies, de leurs rêves, et, dans la trame de leurs innocentes causeries, mêlent çà et là les fils de légères médisances. Puis, en échange de leur babil, elles exigent gracieusement mêmes aveux ; mais Tatiana écoute leurs récits en rêvant ; elle n’y comprend rien, son esprit est ailleurs ; et malgré les questions empressées, elle garde religieusement le secret de son cœur, la cause de ses larmes et de son bonheur : elle le garde comme un trésor sacré qu’elle ne saurait partager avec personne !