Aller au contenu

Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à la princesse. Ce n’est pas qu’il ait confiance dans les lettres, mais sa souffrance est devenue trop vive ; il faut parler.

Voici sa lettre mot à mot :

Lettre d’Onéguine à Tatiana.


« Je prévois l’effet de cette lettre : l’aveu de ma douleur, retenue jusqu’à présent, vous offensera. Et quel mépris n’exprimera pas votre fier regard ! Ah ! quel est donc mon but ? Pourquoi ouvrir mon âme ? Pourquoi exciter peut-être dans la vôtre une joie vengeresse ?

» Un jour, le hasard a fait que nous nous sommes rencontrés : vous m’étiez sympathique, mais je ne pus y croire, et je gardai ma farouche liberté. Une autre barrière s’éleva encore entre nous… Lensky, victime infortunée, tomba frappé de ma main. Alors j’arrachai de mon cœur tout ce qui jusqu’alors en faisait la joie. Étranger au monde et sans aucune chaîne, je croyais, libre et calme, pouvoir me dire heureux. Mon Dieu ! comme je me trompais et comme j’en ai été puni !

» Mais non ! vous voir toujours, vous suivre partout, dévorer de mes regards le sourire de