retard nulle part ! En attendant, coiffé d’un chapeau
à la Bolivar, Eugène, dans sa toilette du matin, se
dirige vers le boulevard et se promène dans les
allées désertes, jusqu’à ce que sa montre vigilante
sonne le dîner.
Le soir vient ; Eugène monte en traîneau :
« Fouette, cocher. » Son collet de castor s’argente
par la fine poussière de la gelée ; il arrive chez le
restaurateur Talon, où il sait que Kaverine l’attend
déjà. Il entre. Bientôt le bouchon saute, et le vin,
comme une traînée lumineuse, coule à flots. Sur
la table, un roast-beef saigne ; des truffes, — fleurs
de la cuisine française, tant prisées par la jeunesse,
— côtoient un frais pâté de Strasbourg placé entre
le fromage vivant de Limbourg et l’ananas doré.
Le gosier altéré des convives désire encore arroser les grasses côtelettes d’un vin généreux, mais l’heure les avertit qu’un ballet nouveau a commencé. Alors le lion caustique du parterre, l’adorateur inconstant des ravissantes actrices, celui qui a reçu des coulisses le titre de bourgeois notable, — mon Eugène, en un mot, vole au théâtre, où chaque spectateur ne respire que la critique et se dispose