On peut être homme de bien et penser à la
beauté de ses ongles ; pourquoi donc se mettre en
guerre inutile avec le siècle[1] ? l’habitude règne en
despote sur l’humanité. — Mon Eugène craignait
la critique, et aussi soignait-il extrêmement sa toilette.
Il était ce qu’on appelle un petit-maître,
passait trois heures au moins devant son miroir, et
lorsqu’il le quittait, il ressemblait à Vénus partant
pour la mascarade en habits d’homme.
Je viens de vous parler, lecteur, de toilettes et
de modes ; je me sentirais capable de vous décrire
tout le vêtement d’Eugène (et certes cela serait
hardi, quoique, après tout, décrire soit mon affaire).
— Mais une chose m’arrête : comment parler d’un
pantalon, d’un frac, d’un gilet ? tous ces mots ne se
trouvent point dans la langue russe. Hélas ! même
sans ces mots, mon pauvre style est déjà assez
bariolé. — Dieu sait pourtant si j’ai feuilleté notre
dictionnaire académique !
Mais cette question est ici hors de propos.
- ↑ Aujourd’hui, dans toute l’Europe civilisée, on se nettoie les ongles avec une brosse.