le perron, et dit le bonjour à tout le monde. L’un des chefs lui présenta un sac rempli de pièces de cuivre, qu’il se mit à jeter à pleines poignées. Le peuple se précipita pour les ramasser, en se les disputant avec des coups. Les principaux complices de Pougatcheff l’entourèrent : parmi eux se trouvait Chvabrine. Nos regards se rencontrèrent, il put lire le mépris dans le mien, et il détourna les yeux avec une expression de haine véritable et de feinte moquerie. M’apercevant dans la foule, Pougatcheff me fit un signe de la tête, et m’appela près de lui.
« Écoute, me dit-il, pars à l’instant même pour Orenbourg. Tu déclareras de ma part au gouverneur et à tous les généraux qu’ils aient à m’attendre dans une semaine. Conseille-leur de me recevoir avec soumission et amour filial ; sinon ils n’éviteront pas un supplice terrible. Bon voyage, Votre Seigneurie. »
Puis, se tournant vers le peuple, il montra Chvabrine : « Voilà, enfants, dit-il, votre nouveau commandant. Obéissez-lui en toute chose ; il me répond de vous et de la forteresse ».
J’entendis ces paroles avec terreur. Chvabrine devenu le maître de la place, Marie restait en son pouvoir. Grand Dieu ! que deviendra-t-elle ? Pougatcheff descendit le perron ; on lui amena son cheval ; il s’élança rapidement en selle, sans attendre l’aide des Cosaques qui s’apprêtaient à le soutenir.
En ce moment, je vis sortir de la foule mon Savéliitch ; il s’approcha de Pougatcheff, et lui présenta une feuille de papier. Je ne pouvais imaginer ce que cela voulait dire.
« Qu’est-ce ? demanda Pougatcheff avec dignité.
– Lis, tu daigneras voir », répondit Savéliitch.
Pougatcheff reçut le papier et l’examina longtemps d’un air d’importance. « Tu écris bien illisiblement, dit-il enfin ; nos