Page:Pouchkine - La Fille du capitaine, 1901.djvu/118

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le souffle d’automne avait déjà dépouillés de leurs feuilles, et, avec l’aide d’un vieux jardinier, il les enveloppait soigneusement de paille. Sa figure exprimait le calme, la bonne humeur et la santé. Il parut très content de me voir, et se mit à me questionner sur les terribles événements dont j’avais été le témoin. Je le lui racontai. Le vieillard m’écoutait avec attention, et, tout en m’écoutant, coupait les branches mortes.

« Pauvre Mironoff, dit-il quand j’achevai ma triste histoire ! c’est tommage, il avait été pon officier. Et matame Mironoff, elle était une ponne tame, et passée maîtresse pour saler les champignons. Et qu’est devenue Macha, la fille du capitaine ? »

Je lui répondis qu’elle était restée à la forteresse, dans la maison du pope.

« Aie ! aie ! aie ! fit le général, c’est mauvais, c’est très mauvais ; il est tout à fait impossible de compter sur la discipline des brigands. »

Je lui fis observer que la forteresse de Bélogorsk n’était pas fort éloignée, et que probablement Son Excellence ne tarderait pas à envoyer un détachement de troupes pour en délivrer les pauvres habitants. Le général hocha la tête avec un air de doute.

« Nous verrons, dit-il ; nous avons tout le temps d’en parler. Je te prie de venir prendre le thé chez moi. Il y aura ce soir conseil de guerre ; tu peux nous donner des renseignements précis sur ce coquin de Pougatcheff et sur son armée. Va te reposer en attendant. »

J’allai au logis qu’on m’avait désigné, et où déjà s’installait Savéliitch. J’y attendis impatiemment l’heure fixée. Le lecteur peut bien croire que je n’avais garde de manquer à ce conseil de guerre, qui devait avoir une si grande influence sur toute ma vie. À l’heure indiquée, j’étais chez le général.