Page:Pouchkine - La Fille du capitaine, 1901.djvu/146

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Je me précipitais pour la secourir, lorsque ma vieille connaissance Palachka entra fort hardiment dans la chambre et s’empressa autour de sa maîtresse. Pougatcheff sortit, et nous descendîmes tous trois dans la pièce de réception.

« Eh ! Votre Seigneurie, me dit Pougatcheff en riant, nous avons délivré la jolie fille ; qu’en dis-tu ? ne faudrait-il pas envoyer chercher le pope, et lui faire marier sa nièce. Si tu veux, je serai ton père assis, Chvabrine le garçon de noce, puis nous nous mettrons à boire, et nous fermerons les portes. »

Ce que je redoutais arriva. Dès qu’il entendit la proposition de Pougatcheff, Chvabrine perdit la tête.

« Tsar, dit-il en fureur, je suis coupable, je vous ai menti ; mais Grineff aussi vous trompe. Cette jeune fille n’est pas la nièce du pope : elle est la fille d’Ivan Mironoff, qui a été supplicié à la prise de cette forteresse. »

Pougatcheff darda sur moi ses yeux flamboyants.

« Qu’est-ce que cela veut dire ? s’écria-t-il avec la surprise de l’indignation.

– Chvabrine t’a dit vrai, répondis-je avec fermeté.

– Tu ne m’avais pas dit cela ! reprit Pougatcheff dont le visage s’assombrit tout à coup.

– Mais sois-en le juge, lui répondis-je ; pouvais-je déclarer devant tes gens qu’elle était la fille de Mironoff ? Ils l’eussent déchirée à belles dents ; rien n’aurait pu la sauver.

– Tu as pourtant raison, dit Pougatcheff, mes ivrognes n’auraient pas épargné cette pauvre fille ; ma commère la femme du pope a bien fait de les tromper.

– Écoute, continuai-je en voyant sa bonne disposition ; je ne sais comment t’appeler, et ne veux pas le savoir. Mais Dieu voit que je serais prêt à te payer de ma vie ce que