Page:Pouchkine - La Fille du capitaine, 1901.djvu/150

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vous, ma petite colombe ! Mais dites-moi, mon père, comment vous en êtes-vous tiré avec Pougatcheff ? Comment ne vous a-t-il pas tué ? Eh bien ! pour cela merci au scélérat !

– Finis, vieille, interrompit le pète Garasim ! ne radote pas sur tout ce que tu sais ; à trop parler, point de salut. Entrez, Piôtr Andréitch, et soyez le bienvenu. Il y a longtemps que nous ne nous sommes vus. »

La femme du pope me fit honneur de tout ce qu’elle avait sous la main, sans cesser un instant de parler. Elle me raconta comment Chvabrine les avait contraints à lui livrer Marie Ivanovna ; comment la pauvre fille pleurait et ne voulait pas se séparer d’eux ; comment elle avait eu avec eux des relations continuelles par l’entremise de Palachka, fille adroite et résolue, qui faisait, comme on dit, danser l’ouriadnik lui-même au son de son flageolet ; comment elle avait conseillé à Marie Ivanovna de m’écrire une lettre, etc. De mon côté, je lui racontai en peu de mots mon histoire. Le pope et sa femme firent des signes de croix quand ils entendirent que Pougatcheff savait qu’ils l’avaient trompé.

« Que la puissance de la croix soit avec nous ! disait Akoulina Pamphilovna ; que Dieu détourne ce nuage ! Bien, Alexéi Ivanitch ! bien, fin renard ! »

En ce moment, la porte s’ouvrit, et Marie Ivanovna parut, avec un sourire sur son pâle visage. Elle avait quitté son vêtement de paysanne, et venait habillée comme de coutume, avec simplicité et bienséance.

Je saisis sa main, et ne pus pendant longtemps prononcer une seule parole. Nous gardions tous deux le silence par plénitude de cœur. Nos hôtes sentirent que nous avions autre chose à faire qu’à causer avec eux ; ils nous quittèrent. Nous restâmes seuls. Marie me raconta tout ce qui lui était arrivé