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Page:Pouchkine - La Fille du capitaine, 1901.djvu/157

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temps de me retenir, et j’entrai tout droit dans la chambre où six officiers de hussards jouaient au pharaon. Le major tenait la banque. Quelle fut ma surprise, lorsqu’après l’avoir un moment dévisagé je reconnus en lui cet Ivan Ivanovitch Zourine qui m’avait si bien dévalisé dans l’hôtellerie de Simbisrk !

« Est-ce possible ! m’écriai-je ; Ivan Ivanovitch, est-ce toi ?

– Ah bah ! Piôtr Andréitch ! Par quel hasard ? D’où viens-tu ? Bonjour, frère ; ne veux-tu pas ponter une carte ?

– Merci ; fais-moi plutôt donner un logement.

– Quel logement te faut-il ? Reste chez moi.

– Je ne le puis, je ne suis pas seul.

– Eh bien, amène aussi ton camarade.

– Je ne suis pas avec un camarade ; je suis… avec une dame.

– Avec une dame ! où l’as-tu pêchée, frère ? »

Après avoir dit ces mots, Zourine siffla d’un ton si railleur que tous les autres se mirent à rire, et je demeurai tout confus.

« Eh bien, continua Zourine, il n’y a rien à faire ; je te donnerai un logement. Mais c’est dommage ; nous aurions fait nos bamboches comme l’autre fois. Holà ! garçon, pourquoi n’amène-t-on pas la commère de Pougatcheff ? Est-ce qu’elle ferait l’obstinée ? Dis-lui qu’elle n’a rien à craindre, que le monsieur qui l’appelle est très bon, qu’il ne l’offensera d’aucune manière, et en même temps pousse-la ferme par les épaules.

– Que fais-tu là ? dis-je à Zourine ; de quelle commère de Pougatcheff parles-tu ? c’est la fille du défunt capitaine Mironoff. Je l’ai délivrée de sa captivité et je l’emmène maintenant à la maison de mon père, où je la laisserai.

– Comment ! c’est donc toi qu’on est venu m’annoncer tout à l’heure ? Au nom du ciel, qu’est-ce que cela veut dire ?