de nous dénoncer au commandant après m’avoir donné votre parole de n’en rien faire ?
– Comme Dieu est saint, répondit-il, je n’ai rien dit à Ivan Kouzmitch ; c’est Vassilissa Iégorovna qui m’a tout soutiré. C’est elle qui a pris toutes les mesures nécessaires à l’insu du commandant. Du reste, Dieu merci, que ce soit fini comme cela ! »
Après cette réponse, il retourna chez lui, et je restai seul avec Chvabrine.
« Notre affaire ne peut pas se terminer ainsi, lui dis-je.
– Certainement, répondit Chvabrine ; vous me payerez avec du sang votre impertinence. Mais on va sans doute nous observer ; il faut feindre pendant quelques jours. Au revoir. »
Et nous nous séparâmes comme s’il ne se fût rien passé.
De retour chez le commandant, je m’assis, selon mon habitude, près de Marie Ivanovna ; son père n’était pas à la maison ; sa mère s’occupait du ménage. Nous parlions à demi-voix. Marie Ivanovna me reprochait l’inquiétude que lui avait causée ma querelle avec Chvabrine.
« Le cœur me manqua, me dit-elle, quand on vint nous dire que vous alliez vous battre à l’épée. Comme les hommes sont étranges ! pour une parole qu’ils oublieraient la semaine ensuite, ils sont prêts à s’entr’égorger et à sacrifier, non seulement leur vie, mais encore l’honneur et le bonheur de ceux qui… Mais je suis sûre que ce n’est pas vous qui avez commencé la querelle : c’est Alexéi Ivanitch qui a été l’agresseur.
– Qui vous le fait croire, Marie Ivanovna ?
– Mais parce que…, parce qu’il est si moqueur ! Je n’aime pas Alexéi Ivanitch, il m’est même désagréable, et cependant je n’aurais pas voulu ne pas lui plaire, cela m’aurait fort inquiétée.