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Page:Pouchkine - La Fille du capitaine, 1901.djvu/73

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être rendu coupable de l’impardonnable insolence d’usurper le nom du défunt empereur Pierre III, a réuni une troupe de brigands, suscité des troubles dans les villages du Iaïk, et pris et même détruit plusieurs forteresses, en commettant partout des brigandages et des assassinats. En conséquence, dès la réception de la présente, vous aurez, monsieur le capitaine, à aviser aux mesures qu’il faut prendre pour repousser le susdit scélérat et usurpateur, et, s’il est possible, pour l’exterminer entièrement dans le cas où il tournerait ses armes contre la forteresse confiée à vos soins. »

« Prendre les mesures nécessaires, dit le commandant en ôtant ses lunettes et en pliant le papier ; vois-tu bien ! c’est facile à dire. Le scélérat semble fort, et nous n’avons que cent trente hommes, même en ajoutant les Cosaques, sur lesquels il n’y a pas trop à compter, soit dit sans te faire un reproche, Maximitch. »

L’ouriadnik sourit.

« Cependant prenons notre parti, messieurs les officiers ; soyez ponctuels ; placez des sentinelles, établissez des rondes de nuit ; dans le cas d’une attaque, fermez les portes et faites sortir les soldats. Toi, Maximitch, veille bien sur tes Casaques. Il faut aussi examiner le canon et le bien nettoyer, et surtout garder le secret ; que personne dans la forteresse ne sache rien avant le temps. »

Après avoir ainsi distribué ses ordres, Ivan Kouzmitch nous congédia. Je sortis avec Chvabrine, tout en devisant sur ce que nous venions d’entendre.

« Qu’en crois-tu ? comment finira tout cela ? lui demandai-je.

– Dieu le sait, répondit-il, nous verrons ; jusqu’à présent je ne vois rien de grave. Si cependant… »

Alors il se mit à rêver en sifflant avec distraction un air français.