femme, et s’était arrêté chez Ivan Kouzmitch. La Nijnéosernia n’était située qu’à vingt-cinq verstes de notre fort. D’heure en heure il fallait nous attendre à une attaque de Pougatcheff. Le sort de Marie Ivanovna se présenta vivement à mon imagination, et le cœur me manquait en y pensant.
« Écoutez, Ivan Kouzmitch, dis-je au commandant, notre devoir est de défendre la forteresse jusqu’au dernier soupir, cela s’entend. Mais il faut songer à la sûreté des femmes. Envoyez-les à Orenbourg, si la route est encore libre, ou bien dans une forteresse plus éloignée et plus sûre, où les scélérat n’aient pas encore eu le temps de pénétrer. »
Ivan Kouzmitch se tourna vers sa femme : « Vois-tu bien ! ma mère ; en effet, ne faudra-t-il pas vous envoyer quelque part plus loin, jusqu’à ce que nous ayons réduit les rebelles ?
– Quelle folie ! répondit la commandante. Où est la forteresse que les balles n’aient pas atteinte ? En quoi la Bélogorskaïa n’est-elle pas sûre ? Grâce à Dieu, voici plus de vingt et un ans que nous y vivons. Nous avons vu les Bachkirs et les Kirghises ; peut-être y lasserons-nous Pougatcheff !
– Eh bien, ma petite mère, répliqua Ivan Kouzmitch, reste si tu peux, puisque tu comptes tant sur notre forteresse. Mais que faut-il faire de Macha ? C’est bien si nous le lassons, ou s’il nous arrive un secours. Mais si les brigands prennent la forteresse ?… – Eh bien ! alors… »
Mais ici Vassilissa Iégorovna ne put que bégayer et se tut, étouffée par l’émotion.
« Non, Vassilissa Iégorovna, reprit la commandant, qui remarqua que ses paroles avaient produit une grande impression sur sa femme, peut-être pour la première fois de sa