Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/10

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Le second Empire fondé sur le crime, né d’un coup d’État, n’avait pas à renier ses origines ou à mentir à son principe. Régime hybride qui avait l’impudeur d’associer dans ses formules à la doctrine césarienne de l’Élu du peuple la doctrine légitimiste de l’hérédité, il affectait également d’inscrire au fronton d’une constitution copiée sur celles de l’Empire, c’est-à-dire du despotisme le plus écrasant qu’ait connu le monde, les principes de 1789 et la déclaration des Droits de l’Homme, base du droit public des Français. En 1857, après l’attentat d’Orsini, il jeta le masque. La loi de sûreté générale vint suspendre le peu de garanties que le 2 décembre avait daigné laisser à ceux des citoyens français que la mitraille de Canrobert et les proscriptions de Maupas ou de Morny avaient épargnés.

Dès lors, le second Empire fut marqué au front d’une tache indélébile. Il eut beau revêtir je ne sais quelles défroques d’un libéralisme mensonger. Il eut beau chercher à s’approprier les formes de ce parlementarisme d’emprunt qui n’a jamais servi, en dehors du sol historique où il est né et où ses racines ont pu s’enfoncer dans les couches apportées par les alluvions des siècles, qu’à dresser le décor d’une mesquine et sordide comédie d’intrigues et qu’à tendre un paravent devant les louches combinaisons des politiciens de chambre et d’antichambre.

Le césarisme avait sué sa peur, il avait laissé transparaître son âme de défiance et d’oppression, il avait avoué, dans un hoquet de terreur, sa haine des garanties élémentaires du droit et son inguérissable amour pour la force brutale, pour la police tutélaire et le sabre protecteur.

Règle générale : quand un régime promulgue sa loi des suspects, quand il dresse ses tables de proscription, quand il s’abaisse à chercher d’une main fébrile dans l’arsenal des vieilles législations les armes empoisonnées, les armes à deux tranchants de la peine forte et dure, c’est qu’il est atteint dans ses œuvres vives, c’est qu’il se débat contre un mal qui ne pardonne pas, c’est qu’il a perdu non seulement la confiance des peuples, mais toute confiance en soi-même.

Il s’agit de savoir à cette heure si la République Française en