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Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/12

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de propos délibéré, des délits ou des crimes d’opinion ; qu’elles sont faites contre une catégorie, non pas de délits ni de crimes, mais de personnes ; qu’elles modifient la juridiction de droit commun en matière de presse, laquelle est le jury ; qu’elles établissent un huis-clos monstrueux en supprimant la reproduction des débats ; qu’elles permettent l’imposition hypocrite d’une peine accessoire, la relégation, — qui n’est autre que le bagne et qui peut être le corollaire d’une condamnation à quelques mois d’emprisonnement : qu’elles donnent une prime à la provocation et à la délation ; qu’elles prétendent atteindre, sous le nom d’entente et de participation à l’entente, des faits aussi peu susceptibles de répression que des entretiens privés, des lettres missives, voir la présence à une conversation, l’audition de certains propos ; qu’elles ont créé un nouveau délit, non seulement de provocation au crime, mais d’apologie du crime, lequel peut résulter de la simple énumération objective des circonstances dans lesquelles tel ou tel attentat se sera produit. J’en passe.

Ajoutez à cela que l’application de ces lois plus que draconniennes a été faite dans un esprit de férocité ; que c’est une sorte de guerre au couteau entre les soi-disant sauveurs et les prétendus ennemis de la société ; que l’on a vu les tribunaux frapper impitoyablement de la prison et de la relégation, c’est-à-dire du bagne à perpétuité, la participation à des soirées familiales (Angers), l’audition des paroles délibérément scélérates d’un agent provocateur (Dijon), le chant d’une chanson révolutionnaire (Milhau) ; que l’on n’a pas respecté le principe essentiel de la non rétroactivité des lois ; que cette terrible machine d’injustice fonctionne au milieu de nous et que onze malheureux ont déjà été, en vertu de cette véritable mise hors la loi, condamnés à cette peine atroce de la relégation.

De telles constatations suffisent. Elles devraient du moins suffire pour des esprits un tant soit peu libéraux, j’entends qui soient restés, si peu que ce soit, fidèles aux doctrines des La Fayette, des Barnave, des Benjamin Constant, des Barrot et des Laboulaye. Un tel monument d’injustice ne peut subsister dans la législation d’un peuple qui se dit et se croit et