Aller au contenu

Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
les lois scélérates de 1893–1894

naient plus le mal de monter à la tribune. Ils répondaient d’un geste, d’une insolence : la Chambre votait.

M. Pelletan vint dire que la relégation, ce n’était plus qu’un mot hypocrite : que la relégation, telle qu’on l’appliquait dans les colonies pénitentiaires, cela s’appelait d’un autre nom : les travaux forcés, — prononcés désormais par la police correctionnelle ; que c’était ainsi comme une peine de mort administrative, la mort en sept ans, « par annuités », — punissant désormais ces délits de plume et de parole que le gouvernement déclarait vouloir rendre au droit commun. M. Guérin lui répondit dédaigneusement en dix phrases. M. Balsan, royaliste, vint demander en quelques nobles paroles que la relégation ne put être prononcée que par la cour d’assises. Son amendement fut rejeté silencieusement par une majorité de républicains qui ne parut même pas en comprendre la portée. Ils votaient avec une sorte de honte : pas un membre de la majorité ne vint défendre le projet à la tribune : mais ils votaient. Par une sorte de chantage nouveau, M. Dupuy forçait la Chambre à choisir entre une crise ministérielle que les circonstances rendaient spécialement dangereuse, et l’adoption muette d’une loi folle : elle obéit. Mais je ne lui vois même pas ce courage qu’il y a quelquefois dans l’obéissance.

M. Balsan, M. Viviani, M. Mirman, M. Millerand, M. Alphonse Humbert parlèrent successivement sur la relégation sans que personne se levât pour leur répondre. Ce fut en vain qu’on demanda que la relégation ne fût pas collective, que les relégués ne fussent pas envoyés à la Guyane (où la mortalité annuelle est parfois de 62 %), que l’option fût permise entre la relégation et le bannissement, que la durée de la relégation pût être limitée à cinq ans. Aucune modification, aucune atténuation ne fut admise. La guillotine sèche fut votée par 327 muets.

M. Dénécheau vint montrer avec évidence que l’art. 5, qui permettait aux tribunaux d’interdire la publication des débats, conduisait pratiquement aux conséquences les plus iniques ou les plus absurdes. 323 muets laissèrent à l’arbitraire des tribunaux le droit d’appliquer dans l’ombre des peines per-