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Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/34

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Aussi ne sera-t-on pas étonné d’apprendre que, depuis leur promulgation, l’abrogation en a été proposée à la Chambre. On apprendra sans plus de surprise, que les deux fois, la Chambre les a soigneusement maintenues dans le Code qu’elles complètent si heureusement.

Le 14 novembre 1895, M. Bourgeois étant consul, M. Julien Dumas a interpellé le gouvernement « sur les mesures qu’il compte prendre pour restituer au jury l’appréciation des délits d’opinion ». Le ministère Bourgeois était formé depuis peu de jours ; sa situation était difficile ; sa majorité, instable. S’il eût pris fermement parti pour l’abrogation de la loi Dupuy-Guérin, je crois qu’une majorité l’eût suivi. Mais, à son ordinaire, M. Bourgeois n’osa point prendre parti. Il prononça un discours vague, habile et dilatoire. La gauche républicaine et socialiste, qui voulait le maintenir au pouvoir, n’insista pas. Un ordre du jour de M. Sarrien approuvant les déclarations du gouvernement fut voté par 347 voix contre 87. Le scrutin est étrangement paradoxal : MM. Guesde, Millerand et Jaurès votèrent pour le gouvernement, c’est-à-dire pour le maintien provisoire des lois d’exception. Une partie des opportunistes et des ralliés repoussèrent l’ordre du jour, ce qui revenait à demander l’abrogation immédiate de ces lois qu’ils avaient votées. MM. Méline, Barthou, André Lebon, Turrel et le gros de leurs amis, qui les avaient votées également, s’abstinrent plutôt que de donner leurs voix à M. Bourgeois. Voilà de beaux exemples de parti-pris et de discipline.

MM. Léon Bourgeois et Millerand purent sentir leur faute quand, le 28 mars 1898, M. Gérault-Richard vint à son tour demander au gouvernement de M. Méline l’abrogation des lois de 1893 et de 1894. Le garde des sceaux s’appuya, pour combattre la proposition Gérault-Richard, sur l’exemple qu’avait donné en 1895 M. Bourgeois et la gauche républicaine. Il cita les paroles mêmes de M. Bourgeois. 340 voix contre 154 l’approuvèrent presque sans discussion. Que pouvait-on reprocher au ministère modéré quand il venait dire : Le ministère radical en a fait autant. Tel est le prix des louvoiements, des hésitations, des marchandages. Du reste, l’ancien cabinet Bourgeois se divisait dans le scrutin même : MM. Lockroy et Mesu-