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Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/37

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L’application des lois d’exception de 1893 et 1894.


Un léger frisson troubla la quiétude des majorités, d’ordinaire si sereine d’inconscience, le jour où les « lois scélérates » furent inscrites dans le Code.

Mais bientôt chacun, dans son for intérieur, se morigéna et, afin de n’avoir pas à s’indigner de tout l’arbitraire que ces lois nouvelles faisaient prévoir, se fit une raison :

« À quoi bon s’effrayer ? Les lois scélérates étaient un tonnerre de parade. On allait reléguer ça dans le magasin aux accessoires légaux et elles ne seraient guère qu’un croquemitaine pour grands enfants… croquemitaine d’apparence rébarbative, mais en réalité bénin, — bonne pâte, carton-pâte. »

Les faits ont formellement démenti cet optimisme hypocrite : les lois scélérates ont été appliquées, — le sont encore. Pour l’établir, il me suffira de résumer les condamnations prononcées depuis quatre ans.

On peut lire plus haut l’historique et exposé le mécanisme des Lois scélérates : celle du 12 décembre 1893 contre la presse ; celle du 18 du même mois, sur les associations de malfaiteurs, qui atteint l’individu dans ses relations ; celle du 28 juillet 1894, sur les menaces anarchistes, qui frappe l’isolé assez imprudent pour rêver tout haut, et qui ajoute la relégation au châtiment principal.

L’acte d’Étiévant, directement provoqué par cette loi de relégation, suffirait seul à la condamner.

Étiévant sortait de prison : il écrivit un article, saisi en manuscrit aux bureaux du Libertaire, au cours d’une perquisition. Cet article, M. Bertulus en prit connaissance et le rendit aux rédacteurs du Libertaire avec une moue mi-aimable, mi-dédaigneuse : « Ce n’est pas si raide que cela !… » L’ar-