Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/43

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qu’il n’avait rien dit : on ne tint aucun compte de ses protestations : il fut incarcéré. Quesnel était arrêté le soir même. Voilà, dans leur exactitude, les faits qui ont jeté Monod au bagne ; on les retrouve dans l’acte d’accusation, avec le grossissement coutumier :

Le 25 juin dernier, vers huit heures du matin, au moment où la nouvelle de l’assassinat du président de la République se répandait à Dijon… Monod et Quesnel se trouvaient au café Faivre. Ils ne dissimulaient pas leur joie et disaient vouloir fêter, par de copieuses libations, l’attentat qui venait d’être commis. Quesnel, élevant la voix, se mit à crier : « Carnot est crevé ! Il est bien. Il n’a pas assez souffert avant de crever ! On devrait en faire autant à tous ceux qui lui succéderont. — Tu as raison, répliqua Monod, et pour le prouver nous allons nous saouler aujourd’hui. » À ces mots, il leva son verre, puis se mit à déblatérer contre la propriété et contre l’armée et, se retournant vers deux soldats assis à une table voisine : « Vos officiers sont des lâches, des crêve-de-faim et des crapules, les soldats ne devraient pas leur obéir et, en cas de guerre, se révolter contre eux et refuser de marcher. »

Un peu plus loin, l’acte d’accusation précise que « ces propos constituent l’apologie du crime et du meurtre, la provocation des militaires à la désobéissance et une provocation directe à l’assassinat ». Fort bien. Mais cela ne nous donne pas l’association de malfaiteurs ? — Comment ! va dire l’acte d’accusation, Monod pérorait journellement dans les cafés, et vous doutez qu’il soit un malfaiteur ?

Monod (depuis la loi du 19 décembre 93) a continué à être tous les jours en relations étroites avec les anarchistes militants de Dijon, ne cessant d’exposer dans les cafés qu’il fréquentait ses théories subversives et continuant à recevoir les journaux fondés en France ou à l’étranger pour les soutenir…

Quels sont et où sont ces anarchistes militants avec qui le pauvre diable était en relations ? L’accusation a oublié de le spécifier ; c’était pourtant utile. Prétendre que ces « relations » constituent l’association des malfaiteurs est insuffisant. Pourquoi n’avoir pas montré et prouvé ces fameuses « relations » ?

Gaillard, le troisième accusé de ce procès, peut difficilement passer pour « l’associé » de Monod ; il se borna à vouloir