Aller au contenu

Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lements différaient formellement. Il ne restait donc qu’à libérer le prisonnier : ce qui fut fait.

Quarante-huit heures après les magistrats reconnurent leur erreur et leur exaspération contre Liard-Courtois, qui les avaient dupés si prestement, en fut accrue. Liard, se croyant désormais à l’abri de toutes suspicions n’avait pas quitté Bordeaux. On l’arrêta. Il fallait maintenant le condamner, et très fortement, pour le punir de s’être moqué de la justice.

Les lois scélérates lui étaient difficilement applicables, puisqu’il se trouvait en prison quand elles furent confectionnées. Après force recherches et hésitations, on décida de le poursuivre pour faux en écritures publiques.

Les motifs allégués pour légitimer cette accusation furent naturellement spécieux : alors qu’il était incarcéré sous le nom de « Liard », Courtois écrivit à son juge d’instruction pour s’informer d’un avocat — et signa « Liard » comme de juste.

Donc, faux en écriture.

À sa sortie de prison, quand on lui rendit ses vêtements et autres objets il en donna décharge sur le livre du greffe, — et signa « Liard » pareillement.

Faux en écriture.

Six chefs d’accusation de même valeur — et il n’en fallut pas davantage pour envoyer Liard-Courtois en cour d’assises.

On était en novembre 1894, époque où il suffisait d’être soupçonné d’anarchisme pour encourir toutes les sévérités de la loi. Courtois et son avocat eurent beau prouver que dans les signatures incriminées il n’y avait aucun des éléments du faux en écritures publiques, même en s’en tenant à la lettre du Code, qui est formelle et exige pour que le faux soit avéré : premièrement, un préjudice causé ; deuxièmement, l’intention de nuire, chose que la plus insigne mauvaise foi ne pouvait faire ressortir du changement de nom accompli par Courtois.

À quoi l’avocat général répliqua : « L’accusé est anarchiste ! » et, grâce à ce « tarte à la crème », il se dispensa de montrer la réalité délictueuse de faux en écriture. D’ailleurs, les jurés n’avaient cure de telle démonstration ; il leur suffi-