Page:Pouget - Le sabotage, 1911.djvu/40

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sont les cuisiniers qui ont le courage de suivre l’exemple donné.

C’est que, hélas, à avoir trop de conscience, ces travailleurs risquent de perdre leur gagne-pain, — voire d’être boycottés ! Or, ce sont là des considérations qui font tourner bien des têtes, vaciller bien des volontés et mettent un frein à bien des révoltes.

Et c’est pourquoi, trop peu nous sont dévoilés les mystères des gargotes, — populaires ou aristocratiques.

Il serait pourtant utile au consommateur de savoir que les énormes quartiers de bœuf qui, aujourd’hui, s’étalent à la devanture du restaurant qu’il fréquente sont des viandes appétissantes qui, demain, seront trimballées et détaillées aux Halles… tandis qu’à la gargote en question se débiteront des viandes suspectes.

Il lui serait également utile, au client, de savoir que le potage bisque d’écrevisse qu’il savoure est fait avec les carapaces de langoustes laissées hier, — par lui ou d’autres, — sur l’assiette ; carapaces soigneusement raclées, pour en détacher le pulpe y adhérant encore et qui, broyé au mortier, est finement délayée par un coulis qu’on teinte en rose avec du carmin.

De savoir aussi : qu’on « fait » les filets de barbue avec de la lotte ou du cabillaud ; que les filets de chevreuil sont de la « tranche » de bœuf, pimentée grâce à une marinade endiablée ; que pour enlever aux volailles la saveur « passée » et les « rajeunir » on promène dans l’intérieur un fer rouge.

Et encore, que tout le matériel de restaurant : cuillers, verres, fourchettes, assiettes, etc., est essuyé avec les serviettes abandonnées par les