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JEAN-JACQUES ROUSSEAU MUSICIEN

citer les seuls qui me paraissent dignes de quelque attention : ce caractere se traduit par la tendresse, la grace, la melancolie, une naivete qui pent passer pour excessive, et presque jamais par la gaite. Sous ce dernier rapport, pourtant, il faut faire une exception pour le petit branle qui porte le nuniero 55 (J’avais mis tnes pantoufflettes) et pour le Br^anle sans fin (Aimez^ vous avez quinze ans), qui fut si longtemps populaire ; I’un et I’autre sont d’une allure teste, alerte et legere qui contraste avec le reste. Deux des romances du recueil sont demeurees celebres a juste litre : Que le jour me dure ! et Je Vai plante, je I’ai vu naitre. La premiere, Que le jour me dure ! presente cette particularite qu’elle est ecrite sur trois notes seulement ; s’est-elle offerte ainsi, tout naturellement, a I’inspiration du compositeur, ou est-ce la un petit tour de force auquel il s’est astreint de sa propre volonte ? La seconde supposition me semble la plus vraisemblable ; mais, dans ce cas, on pent dire qu’il a reussi a souhait, et que la gene qu’il s’est imposee n’a point porte tort a sa melodie, qui est tout a fait aimable (1). Quant a la seconde : Je Vai plante, je Vai va mdtre, c’est un petit chefd’œuvre de grace et de sentiment, une de ces trouvailles heureuses comme les artistes les mieux doues n’en rencontrent pas toujours. Et le fait est d’autant plus interessant a enregistrer que ce morceau minuscule ne comporte que huit mesures (2).

1) On a quelques autres exemples de ce genre, peut-etre a rimitatioiide Rousseau, qui aurait ainsi fait des proselytes. D’abord Clara, romance a trois notes d’Alexis de Garaude ; puis I’Amandier, romance a trois notes de Berton ; mais le plus fameux est du a Boieldieu. Celui-ci avait ei-rit, pour le cele-bre chanteur Martin, au troisieme actede Ma Tante Aurore, une romance a trois notes, (|ui avait excite Fentliousiasme du public. Malheureusement, ce troisieme acte lui-meaie avait ete, dans son ensemble, si nial accueilli a la premiere representation, que les auleurs crurent devoir le supprimer entierement a la seconde. Mais Teffet de la romance avait ete tel pourtant, que chaque soir, apres la piece, les spectateurs la demandaient avec tant d’insislance, que Martin ne manquait jamais de veil ir la chanter.

(2) Cette romance est devenue tellement iameuse sous ce titre : le Rosier, qu’onlui donna depuis, que Duniersan a cru devoir Fins^rer dans son recueil si interessant de Chants et Chansons populaires de la France, et que depuis loi’SunTa fail entrer dans presque toutes les anthologies musicales. On pourrait lui donner pour pendant une aulre romance c^lebre : II pleut, il pleat, berqere, qui semble inspiree du m^me sentiment et qui en reproduit la grace touchante et I’exquise naivele. Cetle derniere, dont on sait que les paroles ont ete ecrites par Fabre d’Eglanline, le comedien devenu conventionnel, st Fosuvre d’un musicien obscur nomme Simon, qui a ete inspire ainsi une fois en sa vie.