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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/148

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IDYLLE SAPHIQUE

nait de ses débuts, des mauvais jours de sa jeunesse, où, encore mineure, elle se cachait ainsi qu’aujourd’hui, mais par crainte de la police, pour aller une fois la semaine, à peu près, dans des maisons louches, à des petits rendez-vous dont le prix variait entre un et cinq louis, afin d’avoir de quoi se nourrir. Ah ! maintenant, c’était autre chose et cependant elle était plus fraîche et bien autrement belle dans ce temps-là ! Elle compta : c’était bien vingt-cinq mille francs.

— Tenez, madame, voici.

La femme se retourna et allongea la main, âprement, elle saisit les billets et les enfouit rapidement dans son corsage.

— Merci. Nous y voilà, c’est là.

— Laissez-moi respirer, dit Annhine près de la porte.

Elle cacha l’argent dans sa poche.

— Je suis émue, fit-elle, mon cœur bat, bat…

— Allons, allons, dans une heure ce sera fini. Vous sonnerez et je viendrai vous prendre.

Elle la poussa en avant et ferma la porte sur elle.

— Ça en faisait-y des embarras, ces espèces-là, grommela-t-elle en s’en allant… Vrai, si ça n’était pas pour un si gros tas ! Voyez-vous ça !… Comme si c’était une princesse du sang !… Allez donc, c’était crevant !

Il n’y avait plus à revenir en arrière. Annhine aperçut l’étranger qui guettait à la fenêtre, immo-