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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/154

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IDYLLE SAPHIQUE

— Tais-toi, dit Annhine, tais-toi.

Quand elles furent arrivées chez elle :

— Va-t’en de moi, adieu, dit-elle, ce n’est pas ton chemin. Je ne veux pas troubler ta vie, pauvre petite. Laisse-moi !… Moi je dois tout attendre, mais toi !…

— Non ! non !… Te quitter ? Jamais ! Nhine, réfléchis, si tu me renvoies, cela compliquera encore les choses au lieu de les arranger. J’ai perdu mon fiancé, je le hais maintenant pour son odieuse machination. Je ne le reverrai quand même jamais ! Alors laisse-moi près de toi… ma martyre, ma Nhine adorée… tu oublieras tout, je te serai si tendre… tu verras… d’abord, ne suis-je pas ton page ?

Touchée, Nhine acquiesça :

— C’est vrai ! Alors viens, nous causerons…

Elles entrèrent, graves et recueillies… En se déshabillant, Annhine songea aux vingt-cinq mille francs qu’elle avait emportés sur elle :

— Tiens, fit-elle simplement en lui tendant l’argent, tiens, tu lui rendras ça !

— Nhine, et l’enfant tremblait, garde-le, je t’en prie.

— Ah ! oui, je l’ai gagné, il est à moi !

— Non, ma Nhine, ce n’est pas cela que je veux dire, mais… garde-le quand même… C’est toujours ça de pris… avec ça,… de grosses larmes roulaient de ses yeux, elle semblait chercher… avec cela, tiens, tu sais, ces pauvres gens, le petit enfant malade, eh