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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/181

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IDYLLE SAPHIQUE

traquée, lorsqu’en peine d’âme je suis venue humblement te supplier d’avoir pitié de ma folie !

Frémissante et accusatrice, elle fixait Nhine…

— Toi,… elle se tourna vers Flossie ! Ah ! toi !… tu m’as donné assez de joies pour que j’en puisse mourir ! Ce n’est pas ta faute ni la mienne, hélas !… Je n’ai pu te fixer ! Je meurs de toi, Flossie, sans vouloir te maudire, car je t’ai trop aimée, mais je veux qu’à jamais tu te souviennes de moi, malgré toi-même et contre toute espérance d’oubli.

Et d’un coup elle s’enfonça au cœur, très droit et sans trembler, la lame aigüe d’un mignon poignard qu’elle tenait en main dissimulé sous la dentelle noire de sa mantille. Elle tomba sans un soupir, sans un cri, elle était morte.

Nhine tourna sur elle-même en portant la main à son cœur.

Blême, sans souffle, elle s’affaissa entre les bras de Dalsace ébahi, épouvanté qui la déposa sur une banquette. La foule vint, cruellement en joie et curieuse, le tumulte fut énorme et le bal cessa au milieu des cris, des attaques de nerfs et des évanouissements. De banales et stupides légendes circulèrent parmi les groupes effarés et défaits qui s’en furent, sous une emprise de terreur. La police fut avertie et au matin de ce désastre nulle trace de ce grand fracas ne s’apercevait plus dans les salons déserts et immenses, si ce n’est quelques fleurs fanées qui jonchaient encore le plancher, et une tache