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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/194

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IDYLLE SAPHIQUE

Nhinon, puis elle adresserait la chose à Paris, à l’hôtel de Bade, pour miss Florence-Bradfford. Voilà, c’était bien simple, un rien, une politesse qu’elle lui devait après tout… elle ne faisait aucun mal. Cependant elle n’en dirait rien aux autres. Ce sont de ces choses subtiles que personne ne comprend. Elle glissa furtivement la petite enveloppe dans un tas de banalités qu’on envoyait à la poste. À peine fût-elle partie cependant qu’elle eût voulu la reprendre. Puis elle attendit, inquiète, le résultat. Allait-on lui répondre ?… Et quoi ?… ou bien ?… Elle s’énerva trois jours, puis, parmi d’autres, un télégramme lui répondit simplement ceci : « Donne-les moi, alors ! » signé : Moon-Beam. Alors elle respira et résolut de ne pas poursuivre. À quoi bon ?… Pourquoi ?… Non, il valait mieux s’en tenir là.

Altesse eût un gros chagrin. Une mauvaise nouvelle lui vint de Paris. Son amant tant aimé, Raoul de la Douanne, se mariait. La chose était décidée, la date fixée. On avait profité de l’absence de son amie pour lui faire accepter le sacrifice. Étant sans fortune, de cette liaison avec la belle courtisane dont il était follement épris il avait souffert des mille petites piqûres faites par l’envie, la jalousie du bonheur, la bassesse et la calomnie des gens qui admettent qu’un homme se vende sans amour à une pimbêche qui se choisit un mâle ou un nom et pincent les lèvres en chuchoteries, haussent les épaules avec mépris devant la simplicité du sentiment né de la