Aller au contenu

Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
IDYLLE SAPHIQUE

tel, traversant la rue, très vite ; sa petite main à moitié gantée retroussait sa jupe, collant ses formes menues et graciles… ses talons frappaient gentiment le pavé inégal et boueux. Elle longeait le trottoir en face. Elle fit signe à Tesse de la main et appela Princesse qui suivait mal, joyeuse et distraite. Au coin de la rue, elle hésita un instant, puis poursuivit droit devant elle. Elle allait gentiment, le nez en l’air, l’œil riant, provocante et mignonne, regardant de tous les côtés, en recherche, en espoir. Tout à coup, elle devint très rouge, puis pâle, son cœur battit violemment. Oui, c’était lui, là, qui sortait de chez le parfumeur… Elle s’approchait, émue et anxieuse, n’osant plus, puis elle prit bravement son parti et entra dans la boutique. Elle demanda de l’eau de Cologne, s’expliquant avec toutes sortes de difficultés, car le garçon ne parlait pas français, alors elle sortit sa tête avec précaution et appela doucement :

— Monsieur !… Monsieur !…

L’homme se retourna ; justement il revenait sur ses pas à la devanture, lorgnant Annhine ; il s’approcha. Elle perdit son aplomb, effarouchée. Il souriait. Elle ne trouvait plus ses mots, effrayée de sa hardiesse. Il lui offrit le bras, sans parler. Elle accepta et désigna l’hôtel, au loin, ayant un regard de triomphe vers la fenêtre où se silhouettait encore Altesse.

Il dit avec un mauvais accent :