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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/228

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IDYLLE SAPHIQUE

Elle n’y tenait plus, et se mourait, vaincue, se tuant seule, en farouches désirs et subtiles caresses. Hors d’elle, elle cria très fort. Altesse s’approcha :

— Quoi, ma Nhine ?… Quoi donc ?… Un cauchemar ?

En effroi à la vue d’Annhine crispée, elle lui frappa le creux des mains et rafraîchit son front avec de l’eau de Cologne.

— Ce n’est rien… rien… et Nhine se soulevait, en nage, je suis si heureuse de rentrer… et elle riait de toutes ses forces, nerveusement, sans pouvoir s’arrêter, je… je…

— Calme-toi, dit Tesse qui craignait le dénouement ordinaire.

Elle ouvrit la fenêtre. L’air pénétra en une froide et saisissante bouffée à laquelle se mêlait une forte odeur de charbon.

— C’est épouvantable, oh ! tu peux refermer. Va, ce n’est pas ce que tu crois… je suis calmée…

Et après un dernier éclat, la tête d’Annhine retomba, subitement appâlie. En soi-même elle pensait : Prenons sur nous, afin qu’aucun accroc ne vienne contrarier nos projets… puis tout haut :

— Bonsoir, Tesse, es-tu bien, toi, et contente aussi ?

— Oui, ma Nhine, contente de tout ce qui te plaît surtout.

Si elle savait, se disait Nhine, si elle se doutait de tout ce que je prépare !…