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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/240

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IDYLLE SAPHIQUE

mon esclavage, et toi, écris aussi, prépare une défaite.

— Moi ?… C’est fait : après une crise horrible, hier soir, nous nous sommes séparés. Je n’ai pas pu jouer mon rôle jusqu’au bout. Il est fin, il m’a devinée, et j’ai accru son mal du mien. Au lieu de lui faire du bien, je lui ai été néfaste. Pour lui-même, il faut que je me retire, car il s’était déjà pris à ma comédie charitable et inachevée. Quant à moi, tout est égal, indifférent, mais toi, je t’emmène ! Ah ! je ne te laisserai pas t’égarer…

— Je vais écrire, dit Annhine résolue. Occupe-toi du reste. Ah ! que notre union nous rendra fortes !

— Oui, à condition qu’il n’y ait pas de mensonges entre nous, prononça Tesse gravement.

Nhine détourna les yeux, gênée, confuse, puis se plaça devant la table et écrivit longuement. Quand elle eût achevé, elle tendit la lettre à son amie.

— Tiens, lis, fit-elle simplement avec des larmes dans les yeux.

Altesse s’occupa de détails extérieurs et pressés, puis elle lut :

Mon bien-aimé, mon doux amant, je viens vous dire adieu, je ne dois plus vous voir, et pourtant je vous aime !…

Vois-tu, nous venons de faire ensemble le plus doux des songes, le plus joli des rêves. N’en attendons pas le réveil et souviens-toi, comme je me souviendrai !

Heureux de vivre, beau de toute cette force qui émane