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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/25

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IDYLLE SAPHIQUE

priétaire, à l’endroit indiqué pour la profession. Impudiquement, elle étala ce simple mot : Courtisane.

Son hôtel était un véritable musée, elle collectionnait les plus beaux tableaux de Paris. Elle possédait un jardin merveilleux, en plein quartier Monceau, ses attelages étaient réputés les plus corrects. L’été, elle villégiaturait en son château de Ville-d’Avray où elle donnait des réceptions splendides. L’hiver, elle passait les mois de grand froid en une ravissante villa de marbre et de blancheur qu’elle avait fait construire sur les rives ensoleillées de la Grande Bleue, au milieu des somptueux jardins de Monte-Carlo.

Sa position exceptionnelle la distinguait des autres et la plaçait au-dessus de la foule. De suite, elle affectionna tout particulièrement Annhine et presque chaque jour, à l’heure où la toilette du soir isole les élégantes et les mondaines, vers six heures et demie, Altesse venait bavarder un peu avec son amie préférée. Elles échangeaient leurs confidences, leurs impressions, se demandaient mutuellement conseil, et même souvent prolongeaient leur causerie jusqu’après le dîner ou le théâtre.

Ce soir-là, Altesse se sentait déjà atteinte par la désolation d’Annhine. Ce fut donc avec plaisir et avec une grâce charmante qu’elle se prêta à sa fantaisie malicieuse, heureuse que l’esprit versatile de l’espiègle fût distrait maintenant par le moyen