Aller au contenu

Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
252
IDYLLE SAPHIQUE

— Qu’est-ce que tu prends ?…

— Une cerise, et toi ?

Tesse balbutiait, suffoquée :

— Moi aussi, comme toi, Nhi… Louise, reprit-elle, sous une poussée vigoureuse du pied d’Annhine.

— Comment t’appelles-tu ?

Ils échangèrent leurs noms. Lui se nommait André Denis, il travaillait de son état dans une grande fabrique de bougies, à Levallois. Nhine l’avait hypnotisé, c’était le coup de foudre. Jamais il n’avait vu une gosse pareille… et elle ?…

Elle mentit bravement : elle s’appelait Louise Aubin et faisait l’article de modes rue Royale ; Madame était une femme chic, elle désignait Altesse, qui avait des bontés pour elle, elle montra sa robe, oui, Madame lui donnait ses vieilles nippes, ses vieux chapeaux, aussi ce soir elle avait été bien heureuse de pouvoir distraire Madame, en la menant faire une petite fête dans un milieu inaccoutumé où tout la changerait et l’amuserait, bien sûr ! Elle faisait de l’œil à Denis, s’initiait à ses affaires, lui rendant ses compliments : il était bel homme aussi, dame… bien propre, soigné, il avait tout pour plaire ! L’autre se rengorgeait : Ah ! oui ! un grand soin de soi, faut bien ! Il gagnait ses huit francs par jour à présent ! Libre, pas de femme… si elle voulait, la petite, on pourrait s’entendre ? On se retrouverait le soir, après le travail, il était nourri… et elle ? — Elle aussi, mais elle était libre de bonne