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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/277

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IDYLLE SAPHIQUE

nuit, dans son cœur, à côté, tout autour, une voix lourde irréelle, implacable lui répondit : Jamais !… alors que Nhine continuait lentement : — Prends-moi donc dans tes bras, Flossie, tu me repousses ?… Réchauffe-moi, console-moi, il me semble que je vais pleurer. J’aurais pu me contraindre, ne rien te dire, mais je trouve cela bon de m’épancher en toi dont la plainte m’est si douce ! Tu seras ma compagne, veux-tu ? je te choisis. Tu pénétreras mon âme, tu y mettras de la Foi, des croyances, de l’amour.

— Si tu le veux, toi, ma souveraine, alors je serai capable de tout. Comme Prométhée, j’irais voler du feu céleste pour te voir heureuse, mais tu n’es pas si affaissée que tu le penses…

Nhine soupira :

— Je sais, il est difficile de croire à un incendie quand, au lieu des flammes magnifiques, il ne reste que quelques débris informes et noircis. Les passions de ma vie, de joie ou de peine ont été telles, intenses mais brèves. J’ai vécu parfois des siècles en quelques heures. Je le sens, tellement vide est ma tête, tellement triste est mon cœur.

— Le langage de ta tristesse est pour moi une musique tendre et je souffrirai pour toi, en t’aimant d’autant mieux que tu me feras mal, cela nous adoucira peut-être tout ce que l’on t’a fait, ma Nhine chérie. Autrefois on calmait la colère des dieux en leur sacrifiant un agneau sans tache. Je serai savante et subtile à la fois, ne me laissant pas trou-