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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/280

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IDYLLE SAPHIQUE

— On est comme on peut, vois-tu ? Je n’ai pas osé brusquer ces pauvres vieilles, voilà ce que c’est que d’être bien élevée, une habitude à perdre. En attendant, accorde-moi ta clémence… et tes lèvres. Je suis plus à plaindre qu’à punir.

Annhine ne pût s’empêcher de rire en voyant que Flossie avait l’air de prendre cela au sérieux.

— Comédienne ! dit-elle, ou non, folle plutôt ! Je ne sais jamais avec toi où le factice cesse… J’ai un projet.

— Lequel ?

— Ce serait de déjeûner ici à midi, puis de partir, d’aller à Saint-Germain dans les bois, toute la journée.

— Oui, c’est cela, fuyons la ville, le bruit, le monde, courons vers les nymphes. Effarouchées comme elles, cachons-nous sous la ramée, admirons la nature renaissante, grisons-nous sur des lits de mousse, abritées par de jeunes branches ensoleillées, en fermant les yeux à demi, nous soustrayant au regard des fauves hardis.

— Tu es trop poétique pour le matin, Flossie !

Annhine riait moqueuse, allant, venant, se couvrant de vêtements clairs en harmonie avec le temps radieux du dehors. Après le déjeuner, elles téléphonèrent pour la voiture, commandant un landau large et confortable où le page serait bien, prosterné aux pieds de sa dame. Elles partirent au milieu du jour,