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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/285

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IDYLLE SAPHIQUE

En se retournant, Flossie eût une expression d’étonnement :

— J’étais si bien dans la peau de mon personnage que je suis surprise de me trouver autre dans le reflet de cette glace. Vois, Nhine, je ne suis qu’une femme. Approche ta tête de la mienne, c’est joli ainsi, mieux je crois… et puis nous n’aurons pas d’enfants !

Elles riaient, amusées, puis le dîner fini, elles allèrent enlacées au dehors. Des chuchotements très doux, des baisers, des exclamations étouffées, des gestes de caresse qui n’ose… et les jolis cheveux blonds de Flossie se dénouèrent.

La nuit tomba lentement sur elles sans qu’elles s’en aperçussent, mais, tout d’un coup, la fraîcheur les surprit ; elles demandèrent la voiture pour s’en retourner à Paris et partirent. Flossie couvrait Nhine avec un grand soin :

— Sur nous deux le plaid, ferme bien ta mante. — Elle voulut lui retirer son chapeau et la couvrir du capuchon — c’est irréellement joli ainsi, je t’en prie, laisse… Hélas ! quel dommage de quitter cette solitude, mais quelle route délicieuse pour notre retour, toutes deux, très près, seules… dans la nuit sombre.

— Non, fit Annhine, regarde !

En levant les yeux, elles virent la lune qui passait lentement à travers les nuages, large et rayonnante.

— Elle éclairera notre chemin.

— Ah ! puisse-t-elle t’insinuer d’exorables senti-