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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/292

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IDYLLE SAPHIQUE

doutes, il y a déjà près de sept semaines que… ah ! tu comprends ! C’est affreux !… Ce serait affreux, corrigea-t-elle en voyant que Flossie devenait atrocement pâle.

Celle-ci tremblait de tous ses membres, puis ne pouvant plus contenir sa rage, elle éclata, presque folle de douleur :

— Ah ! ma jolie !… ma jolie, que me dis-tu ! Je la reconnais bien là, cette nature qui te fléchit sous son horrible loi ! Ils savent pourtant bien ce qu’ils font, ces serpents d’hommes, l’un d’eux a laissé son poison dans tes entrailles !… Quel sacrilège !… Faire un outil reproducteur de cette idéale fragilité, autel sacré de mes plus délicats désirs, les lâches !… Oser flétrir de telles fleurs ! Ah ! que je leur en veux, à ces brutes, de tout le mal qu’ils font et partout et toujours, sciemment, cruellement !…

— Ah ! Floss ! Je mourrai de ma peine, et impuissante devant cet imprévu chef-d’œuvre du mal.

— Que faire, darling, que faire ? Dis-moi… si on peut acheter de la science qui voudrait faire avorter ce germe de vie qui est en toi, car c’est une chose maudite, sais-tu !… aucun bien ne saurait venir d’un être qui n’est pas désiré, de la conception provenant d’un hasard diabolique qui fait honte au véritable amour ! De stériles épouses passent leur temps en prières, elles veulent être mères et sauraient donner à leurs enfants tout ce qu’ils auront le droit d’exiger d’elles. Et l’on devrait respecter une Nature qui