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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/294

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IDYLLE SAPHIQUE

— Non !… ne parle plus de çà, Floss !… Vois-tu, si ça existe, eh bien, je devrai le supporter. Si ça existe !… — elle se mit à pleurer — j’ai peur, vois-tu, j’ai peur !… de tout, des souffrances… et de la vie ensuite !

— Laisse-moi chercher, darling, je connais des médecins…

— Non !…

Anxieuse, Nhine cherchait à se débattre et à se reconnaître dans le chaos de son cerveau troublé. — Voyons, Maurice a dix-huit ans… on ne doit pas avouer une telle chose à un enfant. Ça doit venir de lui pourtant, mais la loi est là qui se dresse devant moi, implacable et injuste. Henri, c’est douteux, et puis le croirait-il ?… Cependant, c’est à lui que je dois le dire, — elle se rassurait, — lui qui prétend m’aimer il sera fier, il m’écoutera, pourquoi douterait-il de moi ? Les autres, — elle esquissa un geste de mépris, — les autres ne comptent pas, il y a trop de temps ! — Pourtant une hésitation lui vint… — Mais ?… Ah ! non ! non ! c’est trop lointain pour être même en mon souvenir !

Rassérénée, elle s’habilla, s’enveloppant d’un long peignoir de fine laine blanche, très lâche, très flou, qu’elle serra à la taille par une ceinture d’émail bleu. Elle fit téléphoner à Henri qu’elle l’attendait immédiatement, qu’il fallait absolument qu’il passât tout de suite chez elle, pour une chose grave.

— Chérie, je dois te renvoyer, il faut que je cher-