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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/302

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IDYLLE SAPHIQUE

tenant, je voudrais te tuer, te tuer… te tuer !…

D’une brusque secousse il se dégagea enfin, horrifié et il parvint à gagner la porte.

Elle bondit sur lui, puis tout à coup s’arrêta, son regard agrandi qui lançait des flammes se voila subitement, elle eût un éblouissement qui la cloua au parquet, immobile, chancelante, puis une horrible douleur la fit se courber en deux. Elle cria une plainte soudaine, d’une voix sourde, qu’on ne pouvait entendre.

— Ah ! que je souffre ! — elle s’affaissa dans un fauteuil, renversa sa tête en arrière, prise de vertige et de faiblesse. — Au secours, je m’en vais !… je m’en vais !…

Les éclats de sa voix en fureur, ainsi que le bruit des portes et de la fuite précipitée, avaient attiré Florence et Ernesta qui s’empressèrent vers Nhine gémissante et tordue sous l’atrocité du mal. Un cerne noir s’étendait autour de ses yeux clos, un filet de sang coulait à terre, elle ne bougeait plus, mais elle respirait encore. En alarmes, elles la transportèrent inanimée sur son lit, en la plaçant avec une savante précaution, la tête basse, les jambes hautes, afin d’arrêter l’épanchement. Un médecin du quartier vite appelé accourut aussitôt. C’était bien l’hémorragie. Il lui donna les premiers soins, perchlorure de fer, pansements d’amadou. Quand son docteur vint, Annhine assoupie, faible, horriblement pâle, était sauvée. Altesse se trouvait là, près d’elle. À voix basse ils causèrent longuement et Flossie leur fit part de ses craintes du matin :