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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/310

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IDYLLE SAPHIQUE

de changements. Bientôt elle se sentit plus forte, la chaleur de l’été qui venait régénérer la terre la pénétrait d’un bien infini, d’une langueur de convalescente. Elle pouvait se lever et se traînait seule jusqu’à sa chaise longue. Un matin, elle entendit une musique dans la cour et fit l’effort d’aller à la fenêtre et de l’ouvrir, puis se pencha, curieuse et enjouée. C’était un vieillard tout drôle qui tenait un singe au bout d’une corde ; une grande barbe blanche le faisait ressembler à un personnage des anciens contes, il avait des lunettes bleues posées sur le bout de son nez et un regard riant ; à ses côtés, une femme déguenillée, très sale, portait une sébile remplie de gros sous et vendait des chansons, puis un enfant chantait une complainte avec une petite voix très fraîche qui vibrait. Annhine dût s’appuyer au mur à plusieurs reprises pour atteindre des sous qu’elle voulait leur jeter. Elle essaya de les envelopper et y renonça. Elle retombait courbée sur l’appui de la fenêtre et les lança mollement, prise de faiblesse. La femme la remercia d’un sourire, puis la fixa, en murmurant quelque chose.

Annhine regarda lentement tout autour. La mendiante continuait à parler… à qui donc ?… mais oui… c’était bien à elle !… quelle chose bizarre !… Que lui voulait-elle ?

D’un geste de sa main pâle elle se désigna :

— À moi ?…

— Oui !