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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/319

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IDYLLE SAPHIQUE

— Je t’attends… à bientôt !

Flossie se retira les yeux humides, une grande tristesse l’enveloppait, la pénétrant de sombres pressentiments. Lorsque la porte se referma sur elle, elle crût entendre une menace dans le bruit sourd des gonds et de la serrure grinçante :

— Si transparente, si mince, l’ardeur de son joli corps abattu, replié parmi les coussins clairs… un mal la consume, invisible, ses regards effacés reflètent déjà une mélancolie lointaine, reculée, elle n’a plus rien de terrestre… sa voix même s’exhalait sourde, déjà comme un écho !… nous restera-t-elle ?… Ah ! que j’ai peur et que profondément aujourd’hui je sens mon inutilité… l’inutilité de tout !… La fin d’un printemps, la mort d’une fleur dont les pétales s’effeuillent et s’éparpillent ! Ce fut sa vie, hélas ! à elle aussi !… Pauvre petite ! non, heureuse plutôt, c’est moi la misérable, moi qui survis… Ah ! aurai-je touché mon bonheur d’aussi près pour ne saisir que du néant !

Elle se refusait à admettre, à croire, voulant espérer envers et contre toute désespérance :

— Bah ! elle est jeune, si jeune, si jeune, elle en reviendra, c’est certain. J’ai une réminiscence : Mary Hampton, une de mes amies d’enfance. Elle souffrait d’une si grande anémie que pendant trois ans elle est restée aveugle. On n’y comprenait rien, et elle est si forte aujourd’hui !… si forte !… trop forte hélas !

Son souvenir l’évoquait : très grasse et sanguine,